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Prévention Les parasites internes savent se faire discrets

Frédéric Arzur, vétérinaire, et Mathieu Polard, éleveur, ici avec sa fille Lyanna, ont réfléchi ensemble au moyen de lutter contre le parasitisme, sans appliquer plus de médicaments.

Mathieu Polard, éleveur à Guiclan (Finistère), a découvert des animaux infestés par la douve et les strongles grâce à une vérification par prise de sang. Sur le conseil de son vétérinaire, il a résolu le problème en modifiant la conduite du pâturage.

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En septembre 2019, Mathieu Polard, éleveur à Guiclan (Finistère), rencontre son vétérinaire Frédéric Arzur pour réaliser le bilan sanitaire annuel. C’est devenu une routine, le troupeau va bien. « Je fais pleinement confiance à mon vétérinaire », lance l’éleveur qui a adopté un service de suivi régulier avec lui. Lors de cette rencontre, Frédéric lui propose d’entrer dans une démarche d’assurance qualité (HACCP). L’idée est de creuser un sujet pour vérifier que tout fonctionne de manière optimale, même en l’absence de symptômes.

Pour maîtriser le parasitisme, l’éleveur suit un protocole qui semble efficace puisque les animaux ne toussent pas et poussent bien. Mathieu constate néanmoins que l’âge au premier vêlage stagne à 28-29 mois, ce qui ne le satisfait pas. Décision est prise de vérifier le statut des animaux par rapport aux strongles et à la douve. Des prises de sang sont effectuées en décembre, une fois que tous les lots sont rentrés. « Nous avons divisé le troupeau en quatre groupes, explique Frédéric Arzur, les génisses de première et deuxième années, les primipares, et les vaches adultes. » Cinq animaux ont été retenus dans chaque lot pour être testés. Les analyses visaient à dépister la douve (sérologie) et les strongles (dosage de pepsinogène).

Présence de douve sans symptômes visibles

«J’ai été très surpris de voir que des vaches adultes étaient contaminées par la douve », raconte Mathieu. Sur les cinq laitières testées, trois étaient positives. Dans les trois autres lots, tous les animaux étaient indemnes. L’explication est venue au fil de la discussion entre l’éleveur et le vétérinaire. Les vaches taries pâturaient des prairies humides, un milieu favorable aux limnées. Ces petits escargots servent d’hôtes intermédiaires aux larves de la douve.

Les vaches ne semblaient pas souffrir de ces infestations. « Le parasite sait se faire oublier », précise Frédéric. Les larves atteignent le foie six semaines après l’ingestion. Elles sont rejetées dix-huit mois plus tard. La vache vit avec, sans symptômes visibles, mais la production laitière ou la qualité du colostrum est affectée, de même que l’immunité. Plus rarement, la douve peut provoquer un amaigrissement, des œdèmes ou des diarrhées. Les traitements antiparasitaires couramment appliqués n’agissent pas contre la douve.

Le premier réflexe de Mathieu a été de demander un traitement pour ses vaches adultes, mais Frédéric l’en a dissuadé. « Puisque les vaches ne souffraient pas trop, c’était inutile. En revanche, il fallait trouver un moyen de casser ce cycle de contamination au tarissement. »

Laisser du temps pour que l’immunité s’installe

Les analyses de sang ont aussi révélé la présence de strongles digestifs sur les génisses de première année. Les cinq testées dans ce lot présentaient toutes des dosages de pepsinogène trop élevés alors que les autres groupes n’étaient pas touchés. Là encore, l’éleveur a été surpris. « J’avais l’habitude d’appliquer un endectocide injectable actif durant quatre mois au moment de la première mise à l’herbe des génisses, en avril.» Il effectuait un autre traitement systématique sur les génisses pleines, juste avant leur entrée dans le troupeau.

Frédéric lui a conseillé de maintenir le second traitement mais de décaler le premier au mois de juin afin que les génisses se trouvent en contact limité avec les parasites et développent leur immunité. «Je me suis plongé dans les cycles des strongles entre les pâtures et les animaux et j’ai beaucoup appris », rapporte Mathieu. Il a suivi les conseils du vétérinaire sur les dates de traitements et, surtout, il a réfléchi à la conduite du pâturage.

«J’ai sorti le plan de mon parcellaire et j’ai cherché des solutions pour que les taries n’aillent plus dans les prairies humides et pour contenir la pression des strongles dans l’ensemble des parcelles », explique Mathieu. Il reconnaît que c’était un casse-tête, mais il a trouvé des pistes. Il a constitué des groupes de paddocks destinés exclusivement à une catégorie d’animaux : génisses de première ou de deuxième année, taries, réformes, vaches en production. Désormais, les différents lots ne se croisent plus au pâturage. Les parcelles humides sont réservées aux réformes. En cas d’excédent d’herbe dans un lot de prairies, Mathieu sort la faucheuse, il ne le fait pas pâturer par des animaux d’un autre groupe.

Investir dans la réflexion plutôt que dans les médicaments

Cette conduite a été scrupuleusement respectée en 2020. Toutes les vaches taries pour la première fois cette année-là avaient une sérologie négative pour la douve lors d’un nouveau contrôle sanguin à l’automne. De même, les dosages de pepsinogène sur les génisses de première année étaient bons. Les problèmes ont ainsi été résolus sans traitements supplémentaires.

« Ces évolutions ne m’ont rien coûté, en dehors du temps que j’ai passé à réfléchir avec Frédéric et à concevoir une autre gestion du pâturage », souligne Mathieu. Il apprécie le décalage du traitement des génisses en juin, une période moins chargée en travail que début avril. Sur le plan pratique, c’est assez simple car les génisses se trouvent sur un autre site à proximité d’un bâtiment équipé d’une cage de contention. Il est facile de les rentrer pour les traiter. De même, les prairies humides ne représentent ici que 3 ha. Il n’est donc pas très compliqué de les affecter à un groupe restreint d’animaux.

« Tous les élevages sont différents, constate Frédéric. Chaque éleveur connaît son parcellaire et ses pratiques. Les vétérinaires peuvent les aider à comprendre les cycles des parasites et à identifier les situations à risque et celles où un traitement est nécessaire» Les médicaments antiparasitaires ont évolué et l’objectif n’est pas l’éradication mais le développement de l’immunité et la limitation de la pression parasitaires dans les parcelles. «D’une manière générale, si l’on traite contre les strongles après le mois d’août, c’est que quelque chose ne va pas. Le protocole est à revoir. »

Analyser la situation lot par lot

L’épidémiologie par lot d’animaux trouve tout son intérêt et l’expérience de Mathieu montre qu’une vérification ponctuelle peut être utile, même en l’absence de symptômes. C’est grâce à des mesures de conduite du pâturage plus que par des médicaments que les problèmes de parasitismes peuvent être résolus. Cela suppose une bonne concertation entre l’éleveur et son vétérinaire.

Depuis 2020, Mathieu reste fidèle à sa stratégie de traitement et à la nouvelle conduite au pâturage. Les analyses de sang n’ont pas été renouvelées. L’éleveur apprécie cette logique d’optimisation et de prévention avec son vétérinaire. Depuis, il a travaillé aussi sur la ration des génisses. L’ensemble lui a permis de descendre à 26 mois d’âge au premier vêlage. Et là, l’éleveur est clairement gagnant puisque les effectifs d’animaux et donc le travail, ont diminué. De plus l’élevage a pu vendre 25 génisses cette année.

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